Famille recomposée : Doit-on aimer ses beaux-enfants?
- Johanna Querin
- 14 mai
- 4 min de lecture
Je reçois souvent dans mon cabinet des femmes, et des hommes, qui vivent en famille recomposée, et qui me disent : « Je ne supporte pas son enfant… C’est normal ? »
Ces confidences sont souvent accompagnées de honte, comme si l'on transgressait une règle implicite de notre société: Aimer l’autre, c’est aimer aussi ses enfants. Mais cette idée est non seulement irréaliste, elle est aussi très culpabilisante. Surtout, elle ne tient pas compte de la complexité du lien qui se tisse (ou non) avec un enfant qui n’est pas le sien.

Aimer ses beaux-enfants ne se décide pas
Mais l’amour ne se décrète pas. Il ne se transmet pas automatiquement par lien amoureux. Vous avez choisi d'aimer une personne, de faire votre vie avec elle, vous n'avez pas choisi d'aimer ses enfants. Il n'y a rien de honteux, c'est un fait.
Comme l’écrit le psychiatre Dr Christophe Fauré dans Comment t’aimer, toi et tes enfants ? :
« On ne force pas l’amour. S’il est là, c’est formidable, mais si ce n’est pas le cas, ce n’est pas la fin du monde. On aime rarement ses beaux-enfants dès les premiers instants. Les apprécier demande du temps et de la patience. »
Ce rappel est essentiel : vous n’avez pas à forcer un sentiment. Mais vous pouvez choisir une posture : être présent(e), respectueux(se), engagé(e).
Est-ce normal de ne pas aimer ses beaux-enfants?
La normalité est une question de perception. Certaines personnes peuvent mal vivre le fait de ne pas aimer ses beaux-enfants. Quand d'autres sont totalement alignés avec ces sentiments.
Cela ne veut pas dire que vous êtes insensible ou que la famille recomposée n’est pas pour vous. Cela signifie simplement que vous êtes un être humain, confronté à un lien inhabituel et parfois déroutant.
Il ne s’agit pas ici d’un rejet actif ou malveillant. Il s’agit souvent d’un manque de connexion naturelle, ou d’une gêne face à une dynamique déjà installée avant vous.
Comment vivre ensemble quand l’amour ne vient pas (tout de suite… ou jamais)
Le quotidien dans une famille nucléaire ou recomposée ressemble peut être une véritable source de stress. Les tensions ne viennent pas toujours de conflits frontaux, mais d’un inconfort diffus, difficile à nommer.
On me dit souvent : “En vacances, tout va bien. Mais dès qu’on est chez nous, les tensions reviennent. Pourquoi? Parce que le foyer est un territoire émotionnel. Un lieu où chacun projette ses attentes, ses repères, ses besoins. Et dans une famille recomposée, ce territoire est partagé :
C’est votre maison, mais aussi celle de votre partenaire.
Et c’est aussi celle des enfants… qui arrivent parfois avec leurs habitudes, leurs règles, leurs rythmes — issus d’une autre maison, d’un autre monde.
Cela peut créer un sentiment de rejet, d'étouffement, ou d'hostilité, si bien que vous pouvez vous sentir en insécurité dans votre espace.
Cela peut s'expliquer par le fait que avez parfois l’impression d’accueillir de jeunes invités bruyants, qui ne respectent pas les règles de la maison, et indifférents à votre présence.
Et vous vous surprenez à penser : “J’aimerais juste être tranquille chez moi.” Pour vous protéger vous mettez en place des stratégies de défense. Parmi elles on peut citer l'évitement, comme quitter la pièce ou la maison en leur présence, ou le repli sur soi, par exemple ne pas oser leur parler ou être vous-même.
C’est légitime. Cela ne fait pas de vous une mauvaise personne. Cela dit quelque chose de vos besoins. Et c’est à partir de là que vous pouvez poser des repères.
Quelques repères pour apaiser le lien
Voici quelques balises que je propose souvent en séance :
Renoncez à l’idée de devoir aimer. Visez une relation juste, pas fusionnelle. L’enfant n’a pas besoin d’un second parent, mais d’un adulte fiable.
Posez un cadre clair. Exprimez vos besoins à votre partenaire : sur l’organisation, l’espace, le temps de couple. Le couple est la colonne vertébrale de la famille recomposée.
Ne prenez pas tout personnellement. Un enfant qui ne vous dit pas bonjour ne vous rejette pas forcément. Il navigue lui aussi dans une complexité émotionnelle.
Prenez soin de votre territoire. Aménagez un espace à vous, des temps pour vous retrouver seul(e) ou en couple. Ce n’est pas un caprice, c’est un besoin vital.
Demandez de l’aide. Le soutien d’un thérapeute peut vous aider à faire le tri entre ce qui vous appartient et ce qui ne vous appartient pas.
En séance…
Une femme m’a dit un jour, les larmes aux yeux : “Je me sens étouffée. J’ai envie de fuir ma propre maison quand ses enfants sont là. Et je m’en veux.”
Nous avons travaillé à redonner du sens et de la légitimité à son ressenti. À sortir de la culpabilité pour entrer dans la clarté et la responsabilité. Ce n’était pas l’enfant le problème finalement. C’était l’espace qu’elle n’arrivait pas à habiter, à partager, à poser comme étant aussi le sien. À partir de cette prise de conscience, les choses se sont apaisées.
Il est essentiel de comprendre que l’amour ne se commande pas, c'est pourquoi c'est ok de ne pas réussir à aimer les enfants de votre partenaire. Pour autant, en tant qu'adulte référent vous avez la responsabilité de les traiter avec respect et bienveillance. Même si vous ne remplissez pas la place et les fonctions d’un “parent bis”, vous pouvez trouver la place la plus juste pour vous et les enfants dans cette famille, le plus important est de maintenir un dialogue ouvert avec votre partenaire.
Quand les choses deviennent difficiles, une thérapie individuelle ou une thérapie de couple peut être une solution. Vous pouvez me contacter par message à hello@johannaquerin.com ou prendre directement rendez-vous.
📚 Référence :
Christophe Fauré – Comment t’aimer, toi et tes enfants ?, Éditions Albin Michel.
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